mardi 5 janvier 2010

L'Italien.



                                                        (crédit photos: David Rombeau)

J'étais partie de chez moi une dizaine de jours pensais-je. Besoin de me ressourcer, de m'éloigner de l'air étouffant du quotidien, besoin de grands espaces et d'air pur.
La petite maison de montagne où je Le rencontrais encore parfois était trop perdue au milieu des neiges, inaccessible sauf en chasse neige, et vraiment je ne voulais déranger personne, autant par discrétion que par envie de ne rien dire sur mon adresse temporaire.
Je pris donc un billet d'avion vers l'Italie, où même les températures négatives sont chaudes, une histoire de couleurs et de lumières sans doute.
Firenze, n'était pas trop loin du gîte que je louais pour l'occasion, niché dans les collines douces de Toscane.
Dans le dénuement que j'avais choisi, le confort était minime. Je devais couper mon petit bois, faire chauffer l'eau si je souhaitais me laver dans le luxe, et le courant était alternatif, sans mauvais jeu de mot.
La seule personne à qui je confiais mon numéro de téléphone était celle-là même qui ne pourrait  me rejoindre, du fait de ses obligations familiales.
Nous nous aimions à distance, cela était plus raisonnable.
La maison, en pierre ocre, au toit de tuile, se composait d'une grande pièce à vivre et d'une chambre. J'avais  cinq kilomètres à parcourir en vélo ou à pied pour rejoindre Florence, balade quotidienne, qui elle seule me faisait sortir du lit.
J'aimais cette terre passionnément. Envoûtée par la langue, charmée par le paysage, je ne connaissais pas ses habitants. Une femme seule intriguait, dans le pays où la famille est un credo, mais si on me regardait avec curiosité, la volubilité ne faisait pas défaut. Assaillie au marché par les sons colorés, par les senteurs des légumes et des fruits, je restais souvent béate d'admiration devant le talent culinaire le plus simple, assaisonner une tartine de pain encore tiède à l'aïl et l'huile d'olive, avec un fromage de chèvre des plus frais ou bien d'une tranche de prosciutto dont on voit rarement la vraie couleur sous nos latitudes...n'ayant jamais eu besoin de faire quelque régime que ce soit, j'adorais goûter toutes ces saveurs qui me ramenaient guillerette à la maison, une bonne bouteille de "Brunello di Montalcino" les jours que je marquais d'une fête, juste parce que j'avais croisé une jolie fleur sur le chemin, ou un "Sangiovese", pour le verre plaisir du soir, celui qui se boit, assise devant la cheminée avec un bon livre à défaut de Sa compagnie.
Un jour, je rentrais sur la route sinueuse, promeneuse solitaire, une silhouette vint à ma rencontre, débouchant sans doute d'un des nombreux sentiers que je croisais.
De loin, il était grand, mince, il ressemblait...à celui que j'aurais pu attendre, mais qui ne viendrait pas. Quoique. Mon coeur battait la chamade, serait-il possible?
Devenues coton, mes jambes ne me portaient plus, je m'arrêtais sur le côté de la route, cherchant en vain un arbre sur lequel m'appuyer ou derrière lequel me dissimuler.
Je ne voulais pas que ce soit lui, non, je n'étais pas prête, il faudrait se séparer ensuite et cela je ne le pouvais plus, ne pas le revoir pour ne pas le quitter, c'est ce que j'avais décidé.
Il arrivait à ma hauteur, un regard amusé, intrigué et dans un bel italien que je ne comprenais qu'à demi mot, il se proposa de porter mon panier, sans doute à cause de la défaillance dont il venait d'être témoin.
J'étais tétanisée. Ce n'était pas Lui, mais son frère jumeau. Il n'avait pas de frère bien sûr, mais vraiment la nature peut jouer des tours, je l'appris à cet instant précis.
Je bafouillais rougissante, un "Si, grazie" et le suivi, presque à son bras.
Il avait la démarche souple, le bras fort, et sa voix douce chantait son pays à mon oreille.
Il avoua enfin, que le gîte était celui de sa grand mère, il avait voulu rencontrer "i francesi" parce qu'il avait vécu à Paris petit.
Je n'eus pas besoin de l'inviter, au fond il était chez lui, et il me montra comment me servir de la cafetière, celle qui était cachée dans un recoin de la cheminée, et que j'avais prise pour un objet de décoration.
J'ai aimé le voir moudre le café, comme s'il transmettait un savoir et je le regardais, encore sous le choc.
Ce premier après midi, nous n'avons pas beaucoup parlé. Je devinais qu'il voulait en dire plus, mais qu'il fallait d'abord que je fasse mes preuves. Mes preuves de patience, de découvertes, d'imprégnation des lieux. Là seulement il pourrait me désigner les choses, le paysage, les gens et me raconter leur histoire...Et là seulement, je le comprendrai.
Sa présence me chatouillait, j'avais des envies d'embrassades, comme celle de me lever soudain pour regarder par la baie vitrée, le jardin empli de roses.
Il m'avait réveillée, je sentais mon sang s'échauffer, l'hibernation se terminait, il me fallait un contact humain, qui passait par la voix, les yeux, la peau.
Cosimo m'ouvrait la porte d'un pays que je cherchais depuis longtemps sans l'avoir trouvé...je n'étais sans doute pas prête avant, mais à présent que j'ouvrais les yeux, il me fallait tout prendre, tout voir, tout tenter, vivre et en jouir, chaque jour comme s'il était le dernier. Dolce Vita?
C'est ainsi que commença notre histoire.
Ta.

Solveig.

14 commentaires:

  1. Solveig...je crois que ne pourrais plus ecrire ici...Vous avez une telle grace..une telle délicatesse pour dire les choses...Une telle douceur...Je crois, Solveig, que je vais tenter d'apprendre la patience...à vos côtés...

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  2. Loève, je vous défends de dire ces mots. Chacune de nous a un petit quelque chose qui permet à l'autre de grandir, d'apprendre...nous sommes deux, continuons cette route...je serais trop triste..

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  3. On ne peut pas rajouter grand chose, ou critiquer quoi que ce soit ici, les deux commentaires comme deux serre-livres de moments inscrits dans le temps à jamais...

    Solveig et Loève, vous êtes comme deux jumelles qui nous font voir les choses comme elles ne seraient pas si vous n'étiez pas là. Même les arbres ont des frou-frous tentants qui dépassent et qui donnent envie...^^

    Je ferme les yeux dans mon hamac en pensant à vous, je vois déjà de drôles de choses sous la vigie...

    Besos du soir et bravo à notre écrivaine pas vaine
    Jack votre pirate

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  4. La Veine de l'écrivain pas vaine sa quête...merci Jack de conforter Loève dans sa route...c'est vrai ce blog est à nous deux, c'est sa structure, son ossature, qu'il penche un peu parfois ne peut que lui donner plus de charme, enfin, j'ose esperer...demain Loève, je vous appelle...

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  5. j'ai toujours apprécié la présence de 2 femmes dans les antichambres ... alors en l'espèce ici... Loève et Solveig... vous êtes 2 et devez rester 2... car chacune a de multiples talents et facettes qui doivent continuer à nous faire rêver... avec vos si jolis mots.
    et puis ce souvenir commun... de ces courbes exposées... dans l'Orient-Express... j'en ai encore des frissons.... brrr... quel ravissement...
    quant à l'italien... j'ai bien cru qu'il s'agissait de Luigi... mais non... ouf...

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  6. C'est un peu trop pour moi, je dois vous le dire. Mon coeur s'est serré. D'abord le titre. L'italien. solveig aurait-elle des ramifications dans ma tête, dans mon passé, dans mes amours ? Que dis-je "amour" serait un mot si petit, si minime, si léger pour mon italien, à moi. Enfin, un né ici un autre si fugace mais né là-bas et rencontré sur une jonque dans la Baie d'Halong. Le croirez-vous ? Croyez le, passagers d'écriture, croyez le, croyez les, car ils ont changé mon cours, tout court, complétement, changé ma vie.
    Alors forcément, une chamade qui a toutes ses aises vous a lu au delà des yeux, avec tout mon corps.

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  7. Pauline...je ne sais pas si cette coïncidence peut paraître extraordinaire...ici, c'est d'amour que l'on parle et je crois avoir compris qu'il était toujours le chef d'orchestre de votre coeur...j'espère vous avoir simplement fait souvenir de moments doux...

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  8. "Nous nous aimions à distance, cela était plus raisonnable."
    Doublement touchée, car j'ai pensé à monhommelointain et à mon Latin Lover...
    sans tristesse, juste avec une petite larme sans importance, d'après la souffrance.
    Je t'embrasse fort, merci pour l'émotion.

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  9. S&J&C, Ce soir je ne sais que vous dire...si ce n'est que vos mots me touchent...sincèrement...

    Solveig...nous allons continuer cette route...car l'idée même de vous imaginer triste m'est insupportable...et vous le savez, n'est ce pas...

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  10. Chère Loève,
    nous avons besoin de votre duo !
    Et regardez cette Solveig. Elle croit partir en retraite, elle nous ferait croire qu'elle aime le recueillement solitaire. Et qu'en est-il ?
    De la compagnie, de la compagnie il lui faut ! Des présences " qui chatouillent", " des embrassades" et "un jardin empli de roses ". C'est tout vous deux ça, on dirait...

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  11. j'aime autant vous lire l'une que l'autre, alors Loeve sage décision que de continuer à faire de ce lieu un duo d'exception...

    Sinon aaaaah la Toscane que je connais bien, et l'Umbria voisine encore plus peut-être, nostalgie nostalgie...

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  12. Dana..les filles ont tellement de points communs...merci de tes mots aussi ;-)
    Loève Ouf! ainsi que je vous l'ai dit en "live"
    Ella...bah oui, qui chatouillent..et moi, seule..j'aime être seule dans le silence des bras d'un homme...
    97, merci! oui, la Toscane, rien que le mot fait rêver...je vais un jour en dire plus je crois...

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  13. Magnifique ! Que l'on voudrait y être, auprès de ce bel italien, au fin fond de la Toscane, seuls au monde. "Il faudrait se séparer ensuite, et cela je ne le pouvais plus". Cela est sûrement très vrai, Solveig, et peut-être est-ce la raison pour laquelle j'essaie d'oublier cet autre homme, mais sans succès, pour le moment ;) Mille baisers chère Solveig ;)

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Au plaisir de vous lire!