Loève et moi n'avons pas fini la tapisserie. Néanmoins, les mots s'accumulent dans le carton dans la chambre sud, et nous souhaitons faire un peu d'ordre, histoire de voir le soleil briller sur le plancher.
Nous avons retrouvé des feuilles de papier volantes, nous ne savons plus qui d'elle ou de moi a rédigé ces deux textes là, les deux qui suivent.
Vous allez bien être volontaires pour nous remettre les papiers dans le bon cahier?
Tiens, Loève me souffle à l'oreille que ceux qui trouvent auront la possibilité de nous souffler un sujet de texte. Nous aimons les exercices de composition voyez vous.
Plus il y a de fous,....
Texte retrouvé (carton marqué "fragile") UN:
"J’étais dans mon cocon, dans ma bulle. Seule.
Parfois, une lumière forte réchauffait mes yeux, qui se fermaient par réflexe.
Je ne sais pas si ma veille était de nuit ou de jour, je ne sais plus le temps que j’ai mis à me lover, là, dans ta main.
Un souffle a chatouillé ma joue.
Était-ce ma joue ?
Un doigt a caressé ma peau.
Était-ce ma peau ?
Mes cils faisaient persiennes, ma bouche avait soif, mes bras réclamaient d’embrasser, mes jambes de marcher.
Un côté de mes hanches était chaud, encore plus chaud que l’autre. C’est cette sensation qui m’a fait me retourner.
Je t’ai vu.
Je me suis vue dans tes yeux.
Je n’étais plus la même, n’est-ce pas ?
Tu as dit mon prénom, .... , j’ai su que c’est ainsi qu’il fallait que je dise, pour que je sache qui j’étais.
Dehors, les arbres nus redevenaient verts, entre hier et ce matin le ciel avait disparu sous les ramures.
Un parfum ancien remontait du jardin, aurais-tu coupé l’herbe ? fauché les ronces ?
Le drap blanc avait pourtant la même souplesse, les murs étaient doux sous mes doigts, le bois soyeux sous mes pieds nus.
Je te vis marcher, j’entendis ta voix, je fermais les yeux, pour garder mémoire.
Mes cheveux avaient poussé, ma voix était plus rauque, mon corps endolori et pourtant je le sentais bien plus vif qu’avant.
Avant quoi ?
L’hiver.
L’hiver endormi avait régénéré mes cellules, éclairci mes pensées, j’avais changé, semblable et une autre à la fois.
Comment pouvais-je t’annoncer cela ?
L’irréductible besoin d’être moi avant nous, d’être, avant tout.
Tu te coucheras sur moi ce soir, nous dormirons ensemble, je sais que tu sauras, que mon corps et le tien ne font qu’un, mais que mon âme n’appartient qu’à moi."
Texte retrouvé (carton marqué lingerie):
"Avec ses mains, il prit mon visage. Son regard se posa sur ma longue chevelure. Entre ses doigts, il faisait glisser mes mèches. Il ferma les yeux. Je sentais qu'il essayait de se souvenir. Il enfouit son visage dans mon cou. Son souffle remontait le long de mon oreille. Il recula. Oui, je sais, j'ai aussi changé de parfum. Il me saisit par la taille. Ses lèvres se plaquèrent sur les miennes. Il me goutta, me mordit, m'aspira, me caressa. Il cherchait. Il me cherchait. Il était perdu. Alors doucement, je lui fermais ses paupières. Et, doucement je posais mes mains sur son visage. Sous mes paumes, je sentais ses larmes couler le long de ses joues. Ma bouche, posée sur son menton, était là pour les recueillir. Je ne me souviens plus combien de temps nous sommes restés ainsi. Nos pieds nus à même le sable s'enlisaient petit à petit. Les vagues venaient et s'en allaient sur nos mollets. Puis, il rompit le silence. Je savais déjà ce qu'il allait me dire...
- Ne pars pas.
- Si. Tu le sais bien.
- Pas cette fois ci.
- Je te quitterai encore et encore.
- Mais celle ci sera celle de trop.
- Peut-être. Mais pour le savoir, je dois m'en aller.
-Alors ne reviens plus.
-Je reviendrai pour le plaisir de te revoir, de te retrouver, de te redécouvrir. Mais pour cela, je vais encore te laisser. Ainsi, j'éprouverai le manque de toi, l'envie de toi."
A vous !