jeudi 14 janvier 2010

L'Italien #2


J'avais pris l'habitude de me lever plus tôt, décidée à observer les brumes matinales sur les collines, ou bien voir se lever la lumière tremblotante du soleil, disque si doux alors qu'il épouse de près les courbes de la terre.
C'était nouveau pour moi, marcher à la fraîche, enveloppée dans un grand châle, que je laissais tomber parfois au sol quand le spectacle me paraissait si beau qu'il fallait en profiter, absolument immobile, respectueuse de ce qu'il voulait bien me montrer.
Parfois, je prenais mon "automatic" pour garder le souvenir de ces instants précieux.
Puis, je rentrais dans le gîte, apaisée, sereine, prête à déguster le pain encore tiède de la mama de Cosimo, avec un thé nature ou à la bergamote, sur la table en bois clair et poli qui ne comptait plus les traces de couteau ou les ronds de fonds de casserole trop chaudes.
J'étais devenue rapidement la favorite de la grand mère, Nonna comme il l'appelait affectueusement.
Elle me demandait de lui lire des passages du livre qui me tenait lieu de compagnie quand l'après midi était trop chaud pour que je sorte de l'ombre fraîche de la maison. Nous étions côte à côte, elle occupait ses mains à quelque tache culinaire, et ses yeux clairs en éveil elle écoutait ma voix lui dire des mots qu'elle ne connaissait pas. Comme si leur musique, à elle seule, racontait une histoire. Elle hochait parfois la tête en disant "si, si" se parlant à elle même, puis me lançait un regard complice, nous étions amies.
Elle me parlait de Cosimo. Avec ses mains qui voletaient autour de sa taille de sa tête, et son italien si rapide et accentué, je ne comprenais que le mot Cosimo qui revenait ponctuer chaque anecdote.
Un jour, un grand éclat de rire entra par la fenêtre, avant que son ombre passe la porte, et Cosimo entra, extrèmement joyeux de ce qu'il venait d'entendre dire. Il me jura qu'elle exagérait, je lui expliquais que de toute façon je n'avais pas compris, et il promit de me raconter le vrai du vrai.
La dernière semaine de mon séjour, nous mangions tous ensemble chaque soir.
Je n'avais plus envie de solitude, ni de me taire.
J'écoutais encore, baignée par les mots qui m'enchantaient, je regardais avec passion ce que j'allais quitter bientôt, la lumière, les visages, les plats, tout.
Et Cosimo.
Depuis qu'il m'avait raccompagnée du marché, nous n'avions pu réellement nous retrouver seuls tous les deux.
Ce soir là, alors que je devais rentrer le lendemain, la Nonna et le Papi se retirèrent plus tôt, nous laissant enfin seuls.
La lueur du soleil avait rendu l'âme derrière les collines, et nous ne disions rien.
Quand il parla, ce fut dans un français impeccable, que je ne l'avais jamais entendu utiliser.
Ce fut comme une mélopée radieuse de tout ce qui n'avait pas été dit entre un homme et une femme depuis la nuit des temps.
Ce fut comme un langage universel, de celui qui sait qu'il a trouvé ce qu'il cherchait, sans l'avoir attendu, comme un cadeau hors de sa date d'anniversaire.
Il s'était approché de moi, m'enveloppant de sa voix puis de ses gestes, me protégeant de ses bras admirables, avant de m'effeuiller, consentante, de mes châles à ma robe, de mes pieds à ma bouche...de mon âme à mon corps, avide de sensations oubliées, d'appetit retrouvé, d'amour.
Toute la nuit, me laissant le petit matin me dire de ne plus partir...recouvrant d'un drap ma tête comme la brume aveuglante, je manquais le car puis mon départ...
Cosimo au nom si doux, qui se dit de la gorge aux lèvres, du souffle au cri...
Cosimo. Je te vois demain.
Ciao!

11 commentaires:

  1. ô tendresse! ô douceur! c'est si bon à lire et relire en prenant mon café du matin...

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  2. Tu racontes bien les choses de l'amour, c'est enveloppant, envoutant, magique...

    Mes origines italiennes remontent à la surface, dommage c'est Cosimo que tu vois demain, Solveig :-(

    Besos ^^

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  3. Loève, quelle bonne idée, un caffe latte?
    Jack, c'est que je suis amoureuse, sans doute...;-)merci!

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  4. On plonge voluptueusement avec toi, dans cette si douce histoire, et l'on se jette avidement dans cette brume aveuglante. Merci de tous ces frissons, Solveig. Demain donc, je penserai à toi ;)

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  5. je peux te confier mon avis sur cette histoire ?... et bien j'adoreeeee.

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  6. Alice, la volupté fait partie de mes "actes" préférés...des frissons vraiment? waouh...
    Charles, bien sur tu peux, et même un avis comme celui là tu peux et re-peux et re re peux...autant de fois que tu veux ;-)

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  7. J'ai beaucoup aimé cette histoire en deux actes si bien écrite.Je me suis laissé porter par tous ces jolis mots et le charme de la Toscane! Extra! Une suite?

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  8. M. SuperOlive, bienvenue...je suis ravie que cette histoire vous plaise. Comme Cosimo fait partie de ma vie il est possible que j'y revienne...
    A bientôt !

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  9. Je crois que la Mama a un peu joué le rôle d'espionne dans cette histoire...Apprivoisant la francese et la scrutant en douceur, par dessous et dessus. Et Patte blanche ainsi sortie, notre Solveig a conquis son Cosi...
    PS : nouveau look qui met la tête à l'envers et rajeunit les filles...Mamamia, rajeunies, jusqu'où vont elles encore nous mener !

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  10. Encore un blog qui change de look, ce n'est pas pour me déplaire, juste me donne envie de faire pareil...

    Quant à ton texte... j'ai revu une scène de Love Actually, tu sais, lorsque lui (j'ai oublié son nom : ( ) parle en anglais et Véronica en portuguais, tu as vécu cela aussi, tu vois, la vie est plus "forte" que le cinéma parfois !!!

    Tu as bien fait de manquer ton car, enfin, à mon avis de romantique incorrigible.
    Bises.

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  11. Et tout cela sonne "juste" évidemment...
    (super le relooking du blog, ça sent les énergies de printemps par chez vous les filles!)

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Au plaisir de vous lire!